Augmentation de la valeur de l'usufruit - Quelles conséquences pour votre planification successorale ?
Afin de connaître la valeur économique d’un usufruit, plusieurs méthodes de valorisation peuvent être utilisées. Toutefois, lorsque la loi l’impose ou lorsque les parties ne parviennent pas à s’entendre, il faut alors obligatoirement se référer aux tables légales de conversion contenues dans le Code Civil.
Concrètement, ces tables expriment la valeur de l’usufruit en un pourcentage qui prend en compte les tables de mortalité et les taux d’intérêt. Ces dernières années, avec l’importante augmentation des taux d’intérêt, la valeur de l’usufruit a augmenté de manière très significative dans les tables légales, ce qui n’est pas sans conséquence lors de la mise en place d’une planification successorale.
À titre d’exemple, l’usufruit d’une femme de 60 ans vaut à présent 46,41% contre 31,10% en 2023. L’usufruit d’un homme de 30 ans est passé lui de 53,34% en 2023 à 72,00% en 2024, tandis que celui d’un homme âgé de 80 ans a presque doublé (15,18% en 2024 contre 8,40% en 2023).
Voici un aperçu des différentes situations dans lesquelles cette augmentation de la valeur de l’usufruit est susceptible d’avoir un impact important :
La conversion d’un usufruit
Lors d’un décès, il arrive très fréquemment que le conjoint survivant obtienne l’usufruit de la succession du défunt, et le(s) enfant(s) la nue-propriété (il s’agit là de la dévolution légale). Cette situation peut alors donner lieu à des conflits familiaux, surtout en matière immobilière. Les enfants pourraient alors être tentés de demander la conversion de l’usufruit du conjoint survivant (en une somme d’argent et/ou une rente), et ce afin de sortir de cette situation conflictuelle de démembrement.
Si les parties ne sont pas d’accord sur la valeur à donner à l’usufruit du conjoint survivant, le juge se basera alors sur les tables légales de conversion, avec pour conséquence que dorénavant l’usufruitier recevra bien plus qu’auparavant en contrepartie de son usufruit (et les enfants beaucoup moins).
L’achat scindé
Une technique intéressante, pour éviter de payer des droits de succession sur un bien immobilier, est de procéder à un achat scindé. Il s’agit de l’une des techniques les plus populaires chez les personnes qui souhaitent optimaliser fiscalement leur succession car elle est relativement simple à mettre en place.
Plus concrètement, les parents et les enfants (ou en réalité toute autre personne) achètent chacun, en même temps, une partie de la propriété du bien immobilier. Les enfants achètent la nue-propriété et les parents achètent l’usufruit de l’immeuble, c’est pour cette raison que cette technique porte le nom d’achat « scindé ». Ensuite, au décès des parents, la nue-propriété des enfants se transforme automatiquement en pleine propriété dans leur chef, et ce sans payer des droits de succession.
Du fait de l’augmentation de la valeur de l’usufruit, le montant que les enfants devront payer pour la valeur de la nue-propriété lors d’un achat scindé se verra réduit. Partant, lorsque les enfants ne disposent pas de cet argent (ce qui arrive très fréquemment), les parents pourront alors donner moins de liquidités aux enfants, et donc payer moins de droits de donation (lorsque les liquidités données font l’objet d’un enregistrement).
La participation aux grosses réparations
Depuis le 1er septembre 2021, le Code civil prévoit de nouvelles règles en matière de répartition des frais entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En résumé, les réparations d’entretien demeurent, comme par le passé, à charge de l’usufruitier et les grosses réparations, à charge du nu-propriétaire.
La grande nouveauté étant que le nu-propriétaire peut dorénavant exiger de l’usufruitier qu’il contribue aux frais des grosses réparations, proportionnellement à la valeur de son usufruit par rapport à la valeur de la pleine propriété. Par conséquent, l’augmentation substantielle de la valeur de l’usufruit entrainera possiblement plus de frais à charge de l’usufruitier.
N’hésitez pas à prendre contact avec Pareto si vous désirez en savoir plus sur ces questions.
Olivier Doms – Juriste et fiscaliste chez Pareto SA
Article rédigé le 27 décembre 2024