Fin de la solidarité des héritiers vis-à-vis des « légataires fictifs »
Un père célibataire décède inopinément en laissant seuls deux enfants. Un an avant son décès, il avait réalisé une donation mobilière non enregistrée d’un montant de 150.000 € en faveur d’un ami. Jusqu’à il y a peu, les enfants de Monsieur étaient redevables de droits de succession sur le legs fictif réalisé en faveur de l’ami de leur père.
À l’instar de la Région flamande qui avait déjà adapté sa législation depuis 2016, les Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale viennent à leur tour d’adapter leur Code des droits de succession, suite à une situation jugée discriminatoire aux yeux de la Cour Constitutionnelle.
Pour rappel, toutes les donations de biens mobiliers en pleine propriété ne doivent pas être réalisées par devant notaire et, partant, ne donnent pas nécessairement lieu au paiement de droits de donation, puisqu’elles ne doivent pas être enregistrées. C’est notamment le cas de la donation de liquidités en pleine propriété réalisée par virement bancaire ou pour les donations manuelles.
Si le donateur décède plus de trois ans après la donation non enregistrée, les biens donnés ne ne seront pas soumis aux droits de succession. Par contre, s’il décède avant l’échéance de ce délai, la valeur des biens donnés réintègre fictivement les biens qui composent sa masse successorale afin de déterminer le montant des droits de succession dus par ses héritiers. Le Code des droits de succession prévoit en effet qu’une telle donation, dans une telle situation, constitue un « legs fictif » (le bénéficiaire devenant alors un « légataire fictif »).
Non seulement la facture risque d’être salée pour ces derniers, les taux applicables étant progressifs, mais en plus, ils se retrouvaient jusqu’à présent redevables de droits de succession sur des biens qui ne leur revenaient pas.
En effet, seuls les héritiers légaux ainsi que les donataires et légataires universels sont appelés à la succession du défunt. Dès lors, lorsqu’une donation mobilière non enregistrée était faite en faveur d’une personne qui ne revêtait pas l’une de ces qualités et que le défunt décédait endéans les trois ans de ladite donation, les héritiers devaient faire face à une certaine injustice fiscale, laquelle venait envenimer une atmosphère pourtant déjà délicate.
En réaction à une décision rendue par le Cour Constitutionnelle (datant pourtant de 2018), les Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale ont, finalement, après trois ans, chacune adapté leur Code des droits de succession mettant ainsi un terme à cette discrimination. Par conséquent, la solidarité prévue entre les héritiers légaux, les légataires et les donataires universels est supprimée vis-à-vis des légataires fictifs pour les décès qui surviennent à partir du 1er mars 2021. Ceux-ci devront dès à présent s’acquitter eux-mêmes des droits de succession sur la valeur du bien dont ils ont bénéficié.
Maureen Vanfraechem
Juriste chez Pareto SA