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En 2013, le gouvernement Di Rupo a augmenté le taux du précompte mobilier dû sur les bonis liquidations de société de 10 % à 25 %. Cette mesure a pris effet le 1er octobre 2014. Cette augmentation d’imposition a créé un tollé général dans le monde des dirigeants de sociétés. Afin de calmer les revendications et en vue d’atténuer l’augmentation d’impôt prévue, le gouvernement a couplé cette dernière à une mesure transitoire, le mécanisme de la « liquidation interne ». Ce mécanisme n’était toutefois que transitoire et donc temporaire. Le gouvernement Michel a donc, par une Loi-programme du 19 décembre 2014, introduit une mesure permanente similaire, la « réserve de liquidation ».

La liquidation interne

Le gouvernement Di Rupo a voulu éviter que les dirigeants de société ne mettent tous leur société en liquidation à l’approche du 1er octobre 2014. Pour cette raison, une mesure transitoire avait été adoptée : les réserves existantes pouvaient encore être distribuées à l’ancien taux d’imposition de  10 % pour ensuite les incorporer au capital de la société. La distribution dudit capital ne ferait pas l’objet d’une imposition additionnelle pour autant qu’il soit effectivement procédé à la liquidation de la société. Afin de bénéficier de l’exonération, la loi a toutefois imposé le respect d’un délai entre l’incorporation au capital et la distribution en dividende (il n’y a pas de délai imposé lorsque la distribution se fait dans le cadre de la liquidation, sauf abus fiscal). Si ce dernier n’est pas respecté, une taxation supplémentaire vient frapper le capital concerné. Le taux de la taxation supplémentaire dépend du délai passé entre les opérations et varie entre 15, 10% et 5%.

Cette mesure ne visait que les réserves taxées de la société qui avaient été approuvées par l’assemblée générale de la société au plus tard le 31 mars 2013. Beaucoup de sociétés ont toutefois leur année comptable alignée sur l’année civile et, par conséquent, les comptes annuels en rapport avec l’année comptable 2012 n’étaient pas encore approuvés à la date-clé susmentionnée. Pour ces sociétés, seules les réserves taxées présentes dans les comptes annuels de l’année comptable 2011 étaient donc visées et non celles présentes après l’année comptable 2012.

Afin de bénéficier du système fiscal avantageux temporairement mis en place, l’apport de ces réserves au capital de la société devait avoir lieu avant le 1er octobre 2014. En ce qui concerne les sociétés ayant alignés les années comptables sur les années civiles, cet apport devait également avoir lieu durant l’année comptable 2013.
En plus de n’être que temporaire, cette mesure était donc limitée à un nombre d’années déterminé.

La réserve de liquidation

Le gouvernement actuel a élaboré un régime s’inspirant de la mesure transitoire du gouvernement précédent.

La réserve de liquidation « ordinaire »

Depuis l’exercice d’imposition 2015, les PME peuvent, chaque année, après impôt, transférer tout ou partie la de leur bénéfice[1] (comptable) vers un compte spécial ouvert au passif de leur bilan, la réserve de liquidation. Ce transfert peut se faire à un taux d’imposition distinct de 10 %[2] (en plus de l’impôt des sociétés à payer). Lors de la liquidation ultérieure de la société, ces sommes seront distribuées sans aucune imposition additionnelle (pas de précompte mobilier ni de taxation à l’impôt des personnes physiques). Si la réserve de liquidation est toutefois distribuée avant la liquidation de la société, la distribution sera soumise à une imposition additionnelle (précompte mobilier) aux 10 % déjà prélevés. Celle-ci s’élève à 15 % si la réserve est distribuée dans les cinq ans de sa constitution et 5 % si la réserve est distribuée plus de cinq ans après sa constitution. Il existe donc une période d’intangibilité de la réserve de liquidation, laquelle débute le dernier jour de l’exercice pour lequel l’affection à la réserve a été décidée par l’assemblée générale[3].

Concernant la distribution du capital « réservé » en dividende, le principe « first in, first out » est d’application : lorsque le dirigeant de la société vient puiser dans la réserve de liquidation, il sera considéré que les réserves les plus anciennes sont concernées. Il est important de noter que la distribution d’un dividende puisé dans la réserve de liquidation présente le grand risque de faire perdre le bénéfice du taux réduit à l’impôt des sociétés dont pourrait bénéficier la société concernée[4].

Mais qu’en est-il si la réserve de liquidation est entamée dans d’autres circonstances, par exemple pour payer d’autres rémunérations ou attributions ? La loi ne dit rien à ce sujet. Ni l’exposé des motifs d’ailleurs. La seule conséquence qui paraît ­plausible, c’est que la réserve de liquidation perdrait le droit privilégié dont elle bénéficie en tant que « réserve de liquidation » à concurrence du montant retiré, et que les dividendes ultérieurs ne seraient considérés comme provenant de la réserve de liquidation qu’à concurrence du solde non entamé de cette réserve. Il devrait en toute logique en être de même si la réserve de liquidation, après un tel retrait, était à nouveau alimentée (à concurrence de la part précédemment retirée), non pas avec de nouveaux bénéfices, mais, par exemple, au moyen de fonds provenant d’un autre compte de réserve : les dividendes provenant de la part ainsi « alimentée » de la réserve de liquidation ne pourraient, logiquement, pas non plus bénéficier des taux réduits du précompte mobilier.

La réserve de liquidation ordinaire concerne, pour la première fois, les bénéfices réalisés durant l’année comptable 2014, pour autant que cela ait lieu lors de l’exercice d’imposition 2015. Elle peut également faire office de réserve légale.

La réserve de liquidation « spéciale »

Les deux mesures décrites ci-dessus ne sont toutefois pas parfaites. L’application de la « liquidation interne » se limite en effet aux réserves imposables ayant été approuvées par l’assemblée générale de la société au plus tard le 31 mars 2013. La réalisation d’une réserve de liquidation ordinaire, elle, ne concerne que les bénéfices reportés présents dans la société à partir de l’exercice d’imposition 2015 (année comptable 2014 pour les sociétés qui alignent leur année comptable sur l’année calendrier). Les réserves taxées de l’exercice 2013 se retrouvent alors entre deux chaises. Ainsi, si elles devaient être distribuées, elles seraient soumises au précompte mobilier de 25%. La réserve de liquidation « spéciale » a toutefois été prévue afin de régler cette situation problématique.

La réserve de liquidation « spéciale » permet d’élargir le principe de la réserve de liquidation  « ordinaire » aux bénéfices après impôt réalisés durant les exercices comptables 2012 et 2013. Ainsi, les PME peuvent dorénavant transférer tout ou partie de leur bénéfice imposés dans un compte spécial ouvert à cet effet au passif. Ce transfert sera soumis une cotisation distincte de 10%.
Les règles concernant la réserve de liquidation ordinaire sont, mutatis mutandis, d’application à la réserve de liquidation « spéciale ».  Quelques nuances doivent toutefois être soulevées, en lien avec le fait que la réserve spéciale ne concerne que les bénéfices après impôts réalisés durant les exercices d’imposition 2013 et 2014.

La première nuance concerne les différents délais d’application. La réserve de liquidation spéciale ne peut être créée au plus tard qu’à la date de la clôture de l’année comptable durant laquelle le paiement de la cotisation distincte a été réalisé. Le paiement de la cotisation distincte de 10% lié à la liquidation spéciale a lieu directement et doit avoir lieu pour le 30 novembre 2015 au plus tard pour la réserve de liquidation « spéciale » portant sur les bénéfices de l’exercice comptable lié à l’exercice d’imposition 2013. Concernant les bénéfices après impôts en lien avec l’exercice 2014, les dates sont respectivement celles du 30 novembre 2016 et du 31 décembre 2016.

La seconde nuance concerne le montant que la société peut consacrer à la réserve de liquidation spéciale. Il y a en effet deux limites : premièrement, le montant ne peut être supérieur aux bénéfices après impôts réalisés durant l’exercice concerné (exercices 2013 et 2014) ; il est également limité au montant des réserves de la société telles qu’elles sont comptabilisées au début de l’exercice durant lequel la cotisation distincte de 10% sera payée.

Pour être complet, la société doit introduire une déclaration spéciale au plus tard à la date du paiement de la cotisation auprès de l’Administration générale de la Perception et du Recouvrement (SPF Finances). La société devra joindre une copie de cette déclaration spéciale à sa déclaration à l’impôt des sociétés pour l’exercice d’imposition correspondant à la période imposable au cours de laquelle la taxe a été payée.

Enfin, il faut encore mentionner que l’établissement d’une réserve de liquidation  « spéciale » ne constitue pas d’obstacle à l’établissement simultané d’une réserve de liquidation « ordinaire ».

Il est important de retenir la date du 30 novembre 2015. C’est en effet à cette date que le paiement de la cotisation de 10% doit être réalisé, conformément aux dispositions régissant la réserve de liquidation « spéciale » concernant les réserves imposées de l’exercice 2013.

Maureen Vanfraechem – Juriste chez Pareto


[1] L’existence de pertes reportées issues d’une année précédente n’empêche en rien la possibilité de créer une réserve de liquidation pour l’année actuelle.

[2] Cette imposition ne peut être comptabilisée. Elle est considérée comme constituant une sorte de « prélèvement ». Il s’agit d’une sorte de taxation « anticipative », à charge de la société liée au fait que ce capital sera distribué en tant que dividende à terme. Cette taxation ne peut être considérée comme un frais professionnel déductible dans le chef de la société concernée.

[3] Les avantages liés au mécanisme de la réserve de liquidation ne se perdent pas suite au transfert des actions ou des parts bénéficiaires de la société concernée. En effet, le prélèvement de 10% a déjà eu lieu et, moyennant le respect de la période d’intangibilité, le nouveau propriétaire des actions ou parts pourra bénéficier du système.

[4] Bien que la loi ayant fait entrer le mécanisme de la réserve de liquidation en vigueur est muette à ce sujet, il est à considérer que les règles classiques en matière de distribution de dividende et d’accès à l’impôt réduit à l’impôt des sociétés trouvent à s’appliquer.