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Dans cette optique, certains parents s’interrogent sur le maintient de l’égalité avec leurs autres enfants. Le doute est légitime : si un premier enfant a pu vivre plusieurs années sans payer de loyer grâce à l’immeuble d‘un parent, n’y a-t-il pas déséquilibre vis-à-vis d’un second enfant qui, lui, paye un loyer à un bailleur-tiers depuis autant d’années ?

Le rapport des donations

La question de l’équilibre dans le patrimoine d’un parent se posera au moment de son décès. Ainsi, par défaut, sa masse successorale sera répartie entre ses enfants, chacun pour part égale. Une estimation des parts des enfants est alors faite, se basant non seulement sur le patrimoine tel qu’il se présente au décès, mais également sur certains autres biens.

En effet, cette estimation va nécessiter de faire le « rapport » des avantages octroyés par le défunt de son vivant : les donations dites « rapportables ». C’est ici que s’évalue l’égalité : le but est de vérifier que chaque enfant obtient la même chose. Si l’un des enfants a bénéficié d’une donation, et faute de disposition contraire, celle-ci sera considérée comme une avance sur sa part. Dans ce cas, il ne recevra donc qu’une partie de celle-ci.

La mise à disposition gratuite d’un bien immobilier

Qu’en est-il de l’enfant qui jouit gratuitement d’un immeuble dont le parent est propriétaire ? Dans ce cas, ses frères et sœurs peuvent prétendre, au décès du parent, que cet avantage est assimilable à une donation. Or, à défaut de stipulation contraire, toute donation est rapportable dans la succession de celui qui l’a réalisée, et son bénéficiaire se devra donc de la rapporter.

Ainsi, la valeur de l’économie de loyers qu’a fait l’enfant bénéficiaire sera considérée comme une avance sur sa part dans la succession, qui en sera donc diminuée en proportion. Si l’estimation de cette économie donne une valeur trop élevée par rapport au total de la masse successorale, il est donc possible que l’enfant bénéficiaire ne reçoive rien dans la succession du parent.

Ces situations peuvent rapidement mener à des conflits familiaux, car il sera toujours difficile de savoir si le parent décédé souhaitait ou non avantager l’enfant qui a bénéficié de l’immeuble.

Encadrer l’avantage

Plusieurs solutions existent pour s’assurer qu’un tel avantage ne sème pas la discorde entre les enfants.

Tout d’abord, il est bien sûr possible de demander un loyer à l’enfant bénéficiaire du logement. Même si le loyer est plus faible que les prix du marché, cela diminuera dans tous les cas l’estimation de l’avantage.

Ensuite, et dans l’hypothèse suivant laquelle le parent souhaite réellement avantager un enfant par rapport aux autres, il est possible de prévoir dans son testament que cette mise à disposition était prévue « par préciput et hors part ». La donation ne sera alors pas considérée comme une avance sur héritage, mais comme un supplément à celui-ci, un avantage octroyé du vivant du parent.

À l’inverse, s’il souhaite s’assurer du maintien de l’équilibre entre tous les enfants, un parent peut spécifier dans son testament que la mise à disposition gratuite de l’immeuble était bien rapportable. Ce faisant, il s’assure qu’aucune discussion ne sera possible quant à son intention de maintenir l’équilibre, même si la donation était par défaut rapportable dès le départ. Par ailleurs, il n’est pas exclu que l’enfant bénéficiaire allègue que la jouissance de l’immeuble constituait en fait une aide familiale que son parent accomplissait dans le cadre de son obligation naturelle d’entretien de son enfant, auquel cas la mise à disposition gratuite ne serait alors même pas considérée comme une donation, et ne serait donc pas rapportable.

 

Charles GERARD – Juriste fiscale chez Pareto

Article rédigé le 30 juin 2023