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Schéma de la situation et opérations envisagées

Monsieur X et Madame Y ont accumulé au fil des années des actifs dans leur société patrimoniale au sein de laquelle ils sont tous les deux gérants. Monsieur X détient les parts de celle-ci en usufruit et leurs deux fils A et B en nue-propriété.

Leur société patrimoniale possède quatre biens immobiliers qui génèrent d’importants revenus locatifs. L’activité principale de la société est donc la gestion de ces biens immobiliers. Monsieur X et Madame Y n’ont dans leur patrimoine privé que leur habitation familiale, laquelle vaut 5.300.000 €, et souhaitent apporter cette dernière dans leur société dans le cadre d’une planification successorale.

L’habitation familiale serait d’abord apportée en nue-propriété à la société patrimoniale en échange de nouvelles actions. Cette opération serait soumise à un droit d’enregistrement de 12 % (Région flamande). Ensuite, les nouvelles actions seraient données en nue-propriété aux deux fils A et B. Sur cette deuxième opération, des droits de donation de 3 % seraient dus sur la pleine propriété des actions.

Afin de s’assurer que cette donation serait bien soumise au taux de droits de donation fixe de 3 %, et non aux taux progressifs applicables en matière de donation immobilière, Monsieur X et Madame Y ont introduit une demande auprès de l’administration fiscale flamande (Vlabel) afin d’estimer le montant des droits de donation qui seraient dus.

Justification

Monsieur X et Madame Y justifient leurs opérations de la manière suivante. Tout d’abord, ils souhaitent parvenir à une gestion cohérente et simple de leurs biens immobiliers familiaux à court et long terme. En outre, ils souhaitent éviter que les biens ne soient subdivisés entre les mains de leurs petits-enfants (mineurs). Enfin, ils souhaitent conserver le contrôle des biens et parvenir à un équilibre entre leurs deux fils.

Leur société patrimoniale bénéficierait également de cet apport car elle gagnerait des actifs en ne payant que des droits d’enregistrement.  En outre, la vente de l’habitation familiale à la société ne serait pas possible parce que celle-ci n’a pas suffisamment de liquidités et qu’un prêt est économiquement déconseillé en raison de la hausse des taux d’intérêt.

Décision de Vlabel n° 23014 du 22 mai 2023

Selon Vlabel, les opérations proposées sont constitutives d’un abus fiscal. En effet, compte tenu de la valeur de l’habitation familiale, celles-ci se traduiraient par des économies d’impôt importantes. Par ailleurs, Vlabel estime que les deux opérations qui se sont succédées dans un court laps de temps ont pour effet d’éviter délibérément les tranches d’imposition progressives applicables pour la donation d’un bien immobilier.

Toujours selon Vlabel, l’abus fiscal pourrait être réfuté en justifiant les opérations par des motifs non fiscaux. Cela signifie que Monsieur X et Madame Y doivent démontrer que ces opérations ne sont pas effectuées dans le seul but d’éviter l’impôt. En l’espèce, Vlabel n’accepte pas les motifs non fiscaux invoqués par les parties. D’une part, Vlabel affirme que l’habitation familiale aurait pu être intégrée plus tôt dans la société dans le cadre de la planification successorale. D’autre part, l’habitation familiale ne génère aucun revenu, ce qui signifie que l’apport ne profite pas directement à la société patrimoniale.

Commentaires de la décision

Vlabel invoque que Monsieur X et Madame Y auraient pu apporter leur habitation familiale plus tôt dans la société afin de protéger le patrimoine familial. Il s’agit d’un argument très fréquemment invoqué par Vlabel qui conduit les juristes à toujours recommander de laisser le plus de temps possible entre les différents actes juridiques posés. Toutefois, le moment de l’apport aurait pu être justifié dans ce cas. En effet, il s’agit d’une habitation familiale qui n’a pas pu produire de revenus pendant longtemps car elle était occupée par Monsieur X et Madame Y eux-mêmes. Par conséquent, l’apport n’aurait pas été utile par le passé. Maintenant qu’ils ont atteint l’âge de la retraite, il est plausible que, d’une part, ils réfléchissent à la planification de leur succession et que, d’autre part, le logement familial puisse être vendu ou loué dans un avenir proche. En effet, Monsieur X et Madame Y ne pourront pas vivre éternellement dans l’habitation familiale.

Conclusion

Lorsque vous envisagez une planification successorale comprenant plusieurs étapes, il est préférable de laisser un délai suffisant entre celles-ci. En effet, Vlabel utilise souvent l’argument d’un laps de temps trop court entre les différents actes juridiques pour prouver l’abus fiscal. Commencez donc la planification de votre succession à temps !

Vous avez une entreprise et vous souhaitez planifier votre succession ? Planifiez bien les opérations et soyez attentif aux pièges fiscaux éventuels. Faites-vous conseiller !

D’autres questions ? N’hésitez pas à nous contacter.

 

Sofie Reyniers – juriste chez Pareto SA.

Article rédigé le 30 juin 2023