Bruxelles : vers un délai de cinq ans pour les donations mobilières ?
Annoncée pour 2024, la mesure budgétaire tendant à allonger la période suspecte des donations mobilières de trois à cinq ans pourrait voir le jour d’ici quelques mois.
Une technique intéressante pour éviter de payer des droits de succession est de procéder à un achat scindé. Il s’agit de l’une des techniques les plus populaires chez les personnes qui souhaitent optimiser fiscalement leur succession car elle est relativement simple à mettre en place (attention toutefois de bien respecter certaines règles). Elle est très souvent utilisée, par exemple, pour l’achat d’une seconde résidence ou d’un bien de rapport (plus rarement pour l’achat de l’habitation familiale).
Plus concrètement, les parents et les enfants (ou en réalité toute autre personne) achètent chacun, en même temps, une partie de la propriété du bien immobilier. Les enfants achètent la nue-propriété et les parents achètent l’usufruit de l’immeuble, c’est pour cette raison que cette technique porte le nom d’achat « scindé ». L’usufruit reste ensuite dans le patrimoine des parents jusqu’à leur décès. En effet, l’usufruit viager s’éteint par la mort de son détenteur. Ce qui permet aux parents de garder un contrôle sur le bien immobilier jusqu’à leur mort car les enfants ne peuvent pas vendre le bien sans leur accord. De plus, les parents gardent la jouissance et les éventuels loyers du bien immobilier.
Ensuite, au décès des parents, la nue-propriété des enfants se transforme automatiquement en pleine propriété dans leur chef, et ce sans payer des droits de succession, ce qui permet un gain fiscal parfois très important.
Exemple
Julien et Laurent viennent de prendre leur retraite à 67 ans, ils souhaitent acheter une seconde résidence à la mer d’une valeur de 1.000.000 EUR. Ils ont trois enfants et souhaitent que ceux-ci paient le moins possible de droits de succession lorsqu’ils décèderont. Au lieu d’acheter ce bien immobilier en pleine propriété (et laisser tomber celui-ci dans la succession à leur décès avec des taux pouvant aller jusqu’à 27% ou 30% en fonction des régions), ils décident plutôt de procéder à un achat scindé avec leurs enfants. Les parents achètent l’usufruit et les trois enfants la nue-propriété. De cette façon, Julien et Laurent peuvent vivre dans cet appartement jusqu’à leur mort sans payer de loyer à leurs enfants. En effet, l’usufruitier a le droit de jouir du bien. Lors du décès des parents, lorsqu’ils ont atteint l’âge de 95 ans, l’appartement vaut 1.400.000 EUR. Toutefois, par l’extinction de l’usufruit, les enfants deviennent pleinement propriétaires du bien, et ce sans aucun droit de succession à payer, sous réserve de respecter certaines conditions.
Chacun paie sa part dans l’immeuble
Cette technique suppose bien évidemment que chacun paie sa propre part dans l’immeuble qui fait l’objet de l’achat scindé. Concrètement, les parents paient l’usufruit et les enfants paient la nue-propriété du bien immobilier.
Cependant, le Code des droits de succession prévoit, dans cette situation, une présomption selon laquelle ce sont les parents qui ont acheté la totalité du bien immeuble (donc également la nue-propriété) du point de vue des droits de succession. La conséquence est que le bien immobilier acheté en achat scindé retombe alors entièrement dans la succession des parents lors de leur décès, et ce par l’effet de la loi.
Il est néanmoins possible de renverser cette présomption en apportant la preuve que les enfants ont réellement payé la valeur de la nue-propriété, et qu’ils disposaient dès lors de l’argent avant l’acquisition de l’immeuble. La charge de cette preuve contraire repose sur le contribuable (en réalité, les enfants vu que leurs parents seront décédés à ce moment-là).
Le don préalable à l’acquisition
Dans de nombreuses situations, les enfants ne disposent pas d’une telle somme d’argent pour acheter la nue-propriété de l’immeuble. C’est pourquoi, dans la pratique, il arrive très souvent que les parents donnent préalablement de l’argent aux enfants afin qu’ils puissent procéder à l’achat scindé d’un nouvel immeuble.
Cette donation permet aux enfants de posséder la somme d’argent nécessaire pour acquérir la nue-propriété du bien. La valeur de l’usufruit et de la nue-propriété est déterminée par un notaire, et est fonction de l’âge des usufruitiers.
D’une manière générale, dans les trois régions du pays, cette donation préalable ne requiert aucune formalité particulière, et ne doit pas obligatoirement faire l’objet d’un enregistrement.
La différence fondamentale entre les trois régions du pays réside dorénavant dans le moment où la donation préalable doit être réalisée :
Région wallonne et Région de Bruxelles-Capitale
Depuis le 1er septembre 2020, il suffit – mais c’est primordial – que la donation de sommes d’argent pour que les enfants puissent acquérir la nue-propriété du bien soit antérieure à l’acquisition scindée.
Attention, si une avance est payée avant le compromis (ce qui arrive dans la majorité des cas), la donation de l’ensemble de la valeur de la nue-propriété doit intervenir avant la signature de ce compromis. Cette position ne vaut que pour les régions wallonne et bruxelloise.
Région flamande
L’administration fiscale flamande ne s’est pas ralliée à la position fédérale. En Région flamande, la donation doit uniquement être antérieure à l’acte authentique (et non pas au compromis comme dans les deux autres régions). Ce qui laisse plus de temps aux parents pour réaliser la donation aux enfants.
Il est d’ailleurs accepté que les usufruitiers payent à l’acte authentique, la valeur de la nue-propriété pour le compte des nus-propriétaires. Dans ce schéma, il est alors requis que, juste avant la passation de l’acte authentique, un acte de donation notarié soit rédigé (même si le virement bancaire n’a pas été effectué). Les droits de donation sont alors dus sur la somme donnée (3% en ligne directe).
Si on peut bien sûr regretter que les positions ne soient pas parfaitement identiques dans les trois régions, les décisions adoptées permettent enfin, après plusieurs années de controverses, de cerner les obligations en matière de preuve contraire dans le cadre de l’acquisition scindée précédée d’une donation.
Si vous souhaitez obtenir plus d’informations à ce sujet, n’hésitez pas à contacter l’un de nos consultants financiers.
Olivier Doms – Juriste et fiscaliste chez Pareto SA.
Article rédigé le 13 mars 2024.
Annoncée pour 2024, la mesure budgétaire tendant à allonger la période suspecte des donations mobilières de trois à cinq ans pourrait voir le jour d’ici quelques mois.
Une technique intéressante pour éviter de payer des droits de succession est de procéder à un achat scindé. Il s’agit de l’une des techniques les plus populaires chez les personnes qui souhaitent optimiser fiscalement leur succession car elle est relativement simple à mettre en place (attention toutefois de bien respecter certaines règles). Elle est très souvent utilisée, par exemple, pour l’achat d’une seconde résidence ou d’un bien de rapport (plus rarement pour l’achat de l’habitation familiale).
Dans le cadre d’une donation, prévoir une clause dite de « retour conventionnel » est toujours un choix des plus judicieux. En effet, cette clause permet de se parer au pire : dans l’éventualité malheureuse du décès du donataire avant le donateur, elle aura pour objet de faire « revenir » les biens donnés vers le donateur initial, plutôt que de les laisser dans sa succession.