Réforme du droit des biens : qu’est-ce que l’accroissement « légal » de l’usufruit ?
La réforme du droit des biens est entrée en vigueur le 1er septembre 2021. L’une des nouveautés porte sur le droit d’usufruit et plus précisément sur l’introduction d’un accroissement dit « légal » de l’usufruit.
Pour rappel, l’usufruit est un droit viager qui a vocation à s’éteindre au profit du nu-propriétaire. Néanmoins, un nouvel article (3.141, alinéa 3 du Code civil) prévoit : « Par dérogation à l’alinéa 2, 2° et sauf clause contraire, l’usufruit indivis ou commun établi dans le chef de deux ou plusieurs personnes accroit, à la fin de l’existence de l’une d’elles, aux autres, proportionnellement à leur part ».
Cette disposition a donc pour conséquence que lorsque l’usufruit existe sur deux têtes, quand l’usufruit s’éteint sur l’une d’elle, il accroit de plein droit l’usufruit de l’autre, qui portera dès lors sur tout le bien.
Exemple avant la réforme : Jean est un grand-père soucieux d’organiser au mieux sa succession. Il décide de donner l’usufruit d’une maison qu’il possède à son fils, Marc, et à sa fille, Jeanne, chacun pour moitié, et la nue-propriété relative à la part de chacun à leurs enfants respectifs (Marc et Jeanne ont chacun deux enfants). Au décès de Marc, l’usufruit s’éteint dans son chef et ses deux enfants deviennent plein-propriétaires de la moitié de la maison. Jeanne quant à elle continuera à bénéficier de son usufruit sur l’autre moitié de la maison.
Exemple après la réforme : Au décès de Marc, l’usufruit s’éteint dans son chef au profit de sa sœur Jeanne. Les enfants de Marc devront dès lors attendre le décès de leur tante, Jeanne, pour devenir plein-propriétaires de la moitié de la maison.
Il semblerait dès lors que la source de constitution de l’usufruit (succession, donation, conventionnel) importe peu.
Afin d’éviter cette conséquence d’accroissement légal de l’usufruit lorsque celle-ci n’est pas souhaitable, il est conseillé d’insérer, soit dans le testament s’il s’agit d’un legs de l’usufruit, soit au sein de l’acte de donation s’il s’agit d’une donation de l’usufruit, une disposition qui prévoit que l’accroissement légal de l’usufruit ne sera pas applicable (ou qu’elle sera remplacée par un accroissement conventionnel de l’usufruit, par exemple).
Remarque : cet accroissement légal de l’usufruit s’applique uniquement aux donations ou legs portant sur l’usufruit réalisées après le 1er septembre 2021.
D’un point de vue fiscal : La fiscalité de ce mécanisme n’est à ce jour pas encore connue.
Alice Compère – Juriste & fiscaliste chez Pareto SA